| Sujet: (LIBRE) three seconds 26.01.16 20:10 | |
| TENUE + Le pas lourd, tant bien que mal discret, il avançait dans le plus bref des silences. Il avait bien failli y passer. Il n'aimait vraisemblablement pas les coups en traître comme ça, mais il avait bien failli y passer : une morsure, et c'en était définitivement fini de lui, fini de la petite plaie ambulante des Strong qui comblait le silence de la prison, de sa rudesse inexpliquée et de sa pelle brandie à l'aveugle.
Il ravala son souffle, la joue barbouillée de sang - les lèvres peinturlurées d'hématomes. C'était bel et bien son arme qui l'avait sauvé, et il ne regrettait rien de cette périlleuse excursion. Ça avait été une lutte intense, de ce type-là : où tous ses sens sont éveillés et alarmés, parce que sa vie frôle une fois de plus les limites, insupportables limites, celles avec lesquelles il joue sans cesse ─ lui procurant ce genre de plénitude enflammée, qu'il n'aime que trop bien ressentir. Le goût de la douleur au cœur, du sang dans la bouche, du cerveau affolé et du danger à seulement quelques centimètres de sa carcasse, l'électrisant d'une énergie nouvelle dont il se sert pour survivre.
Il marcha. Longtemps. Il ignorait où il allait et où est-ce qu'il se perdait, mais il était préparé à faire face à n'importe quel rôdeur ─ n'importe où, à n'importe quel moment. La stratégie ? Il ne connaît pas et n'a jamais connu, mais au moins, sa spécialité est aussi vive qu'un plan que l'on aurait minutieusement échafaudé : bastonner sans réfléchir, et puis voilà. C'était sa marque de fabrique, son style de combat - si style il y avait. Alors il marcha, en silence. Presque instantanément, comme si ses pas le lui avaient ordonné inconsciemment, il atteignit un petit canal paisible ─ et l'éventualité d'y retrouver des corps flottant lui traversa l'esprit, pendant un instant de brève réflexion. Il se mordit la lèvre meurtrie à cette pensée, laissant son regard y dériver. Pourquoi pas, après tout. Rien ne s'éloignait de ce genre d'horreur, quand on voyait la terreur tous les jours.
Ses pas étonnement feutrés le guidèrent à la source, et une fois penché sur cette surface claire, miroitante, il ne se questionna pas plus longtemps et imbiba son visage d'eau. Les traces de sang demeuraient au coin de sa bouche et même sur le dessus de ses arcades, mais qu'importe : pas question de se faire repérer à cause de ce parfum, absolument immonde à respirer et, il en était presque sûr, basé comme phéromone pour ces cadavres faméliques qui surgissaient de temps à autre des buissons. Seulement voilà, il pensait d'ores et déjà être un peu plus tranquille, jusqu'à ce qu'un bruit hasardeux attire son attention et lui fasse redresser le menton. Se soulevant instinctivement, il soupira, conscient d'une présence dans son dos.
─ T'as trois secondes mon pote, sinon je te bute et on en parle plus.
Et que cette présence soit amicale ou non, il ne le savait pas, mais ni l'un ni l'autre ne lui faisait ni chaud ni froid. |
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