« Perdóneme Padre porque he pecado, han pasado ochos años desde mi última confesión. Por estos y todos los pecados de mi pasado yo me arrepiento. »
J'étais rentré dans cette église avec si peu de conviction que je m'étais moi-même surpris en récitant d'un trait cette phrase qu'on m'avait faite apprendre contre mon gré.
***
Je n'ai jamais été quelqu'un de particulièrement croyant. Non pas que je ne sois capable de croire en rien mais pas en ce Dieu que ma famille adorait tant. Les préceptes religieux qu'ils ont tenté de me faire rentrer dans la tête, les habitudes qu'ils ont tenté de m'inculquer, tout cela ne m'allait guère. J'étais et je reste quelqu'un de prosaïque, de terre-à-terre et qui croit avant tout en lui-même et en ce qui est tangible. Ça peut paraître un peu simpliste mais j'ai toujours été un peu trop rationnel, je me contente de croire en ce qu'on peut me prouver, ce que je peux voir. Ça doit être pour ça que j'avais pour ambition d'envisager une carrière de scientifique lors que j'étais plus jeune. Mes parents, bien évidemment, étaient très fiers d'avoir deux fils aussi prometteurs, deux petits génies, chacun à sa façon. Mais à vrai dire, mes parents étaient à peu près heureux pour tout. Quintessence du couple bienheureux, contents d'avoir une famille, Dieu et la santé. Je n'avais jamais réellement compris comment mon père, un ingénieur coréen très conservateur qui s'était retrouvé à la Silicone Valley, avait eu la bénédiction de sa famille pour épouser ma mère. Non pas que je n'apprécie pas ma mère, bien au contraire, mais en tant que latina américaine, elle ne représentait pas exactement l'idée que mes grands-parents avaient de la femme parfaite. Malgré tout, cela ne les a pas empêché d'être heureux et de vivre une vie pleine de joie. Et puis moi aussi j'étais heureux. Je n'étais pas très à l'aise au sein d'une famille aussi conservatrice alors que je ne voyais pas le sens de leur religion, mais cela ne m'empêchait pas de les aimer. Et puis, j'avais Sahya. Sans lui, je ne sais pas trop ce que je serais aujourd'hui, mais j'y viendrais.
Ayant grandi en Californie, j'ai pu voir le dérapage dés le début, à son origine. Je me souviens en avoir fait des cauchemars pendant des jours. Je n'avais qu'onze ans après tout. Mais je ne pouvais pas me permettre d'en parler, d'une part parce que je ne voulais pas effrayer plus que ça mon petit frère et de l'autre parce que je ne voulais pas être faible. Je voulais paraître plus grand, plus fort; j'avais bien tort car il n'y a aucun mal à être conscient de sa faiblesse. Ce que mes parents appelaient une punition divine, moi je l'appelais tout simplement la vengeance naturelle. Lorsque l'épidémie avait commencé à se propager dans les années 2000, j'ai commencé à partir de plus en plus à la messe, à prier, à demander pardon. Je me suis dit que peut être c'était ma faute, que j'avais été un mauvais enfant en n'étant pas pieux. En changeant mes habitudes, je n'ai fait que me mentir à moi-même et au final, il n'y eut aucune évolution: nous étions tous voués à la mort.
***
— « SAHYA! » Je crie son prénom inlassablement. Ma voix tremble et je sens petit à petit des larmes glisser sur mes joues. Je m'effondre soudainement. Tout cela en un laps de temps si court et pourtant qui changera nos existences à jamais.
Je me souviens encore de la scène. Je me souviens de mon jeune frère, saisi par la jambe par notre mère, nouvellement transformée et qui tentait probablement de le dévorer. Je me souviens de notre père, effrayé, trop effrayé pour faire quoique ce soit. Son pistolet semi-automatique lui glissa de la main, Sahya le saisit, poussé par l'adrénaline probablement, effrayé, cherchant à se défendre et il lui tira dessus. Trois balles. Trois longs retentissements qui nous brisèrent tous. Le corps infecté, ou devrais-je plutôt dire le cadavre, de ma mère se laissa tomber sur le sol. Cette chose vivait encore, j'en étais quasi certain alors je pris Sahya par la main et je le tirai vers moi. Je ne sais pas ce qui se passa par la suite. Je me souviens avoir vu mon père se pencher vers son épouse, visiblement choqué d'avoir perdu l'amour de sa vie, et dans un dernier élan religieux —probablement poussé par son instinct, il voulut lui fermer les yeux. C'est à ce moment précis que je me rendis compte de l'obsolescence de la croyance. À quoi bon prier un Dieu qui ne nous soutient pas en retour. Inutile de préciser que mon père se fit dévorer la figure par la même femme avec qui il avait partagé tout son existence, qu'il avait aimé toute sa vie—c'est ce que nous retînmes tous deux mon frère et moi. Alors oui, j'ai tourné la page. Je ne voulais plus parler de religion, je ne voulais plus entendre parler d'un quelconque Dieu bon et tout-puissant susceptible de tous nous sauver si nous nous mettions à prier sa miséricorde. J'étais devenu le propre chef de mon existence.
Par la suite, nous sommes arrivés à nous sauver de chez nous, un voisin nous ayant vu dans cet état et on nous envoya chez ma tante en Corée du Sud, en espérant ne plus avoir à souffrir de ce fléau, en espérant que tout cela soit contenu, que tout cela disparaisse. L'optimisme et l'espoir humain est vraiment incroyable, non? Je me moque un peu mais je suis moi-même un grand rêveur, un optimiste, un fou qui croit pouvoir sauver la race humain. J'ai dit que j'étais réaliste, non? Ouais, j'ai surtout réaliser que les zombies existaient et qu'ils pourraient me vider de mon sang à n'importe quel moment si je ne me ressaisissais pas, mais j'ai longtemps douté avant ça.
***
— « Rafael, t'arrêtes tes conneries. Tu as failli lui casser le bras. »Je m'excuse. Je suis conscient de mon erreur. Je suis conscient que les arts martiaux sont censés nous aider à mieux nous connaître et à nous contrôler, mais j'eus un excès de zèle, un excès de peur aussi.
— « Et comment je suis censé me protéger de ce qu'il y a dehors?! »Il me prend par le bras, il serre fort et me regarde avec un air menaçant. Ne pas en parler. Ne pas dire ce mot-là. Ici tout va bien. Ici rien ne peut nous arriver. Je baisse la tête, je manque d'air, je n'arrive plus à parler...Une autre crise. Encore et toujours. C'est la cinquième ce mois-ci. Je finis par me réveiller dans ma chambre, Sahya à mes côtés. Je ne peux qu'admirer son courage. Je m'en veux de ne pas pouvoir veiller sur lui pour l'instant mais promets de le faire plus tard.
***
J'étais bien trop jeune pour comprendre ma tante. Elle s'était sauvée aussi tôt qu'elle apprit la nouvelle: nous étions encore une fois en danger. Ce fut comme une impression de déjà vu, je me voyais à nouveau dans le salon de notre maison, je voyais Sahya, je voyais ma mère...et pourtant ça ne me faisait plus le même effet. L'épidémie s'était propagée un peu partout et nous étions seuls Sahya et moi. Encore et toujours. Cette-fois ci j'étais prêt. J'avais rejoint l'une des factions rebelles qui avaient prévu depuis bien longtemps que nous étions les prochains sur la liste. Ils avaient acceptés de nous aider mon frère et moi. Je m'en serais voulu pour toujours si quelque chose lui était arrivé alors je m'étais promis de m'occuper de lui.
En arrivant au Nord, nous savions déjà que notre temps était compté et qu'il fallait se préparer le plus rapidement possible. En peu de temps nous étions devenus de vrais combattants, il n'était plus question de pouvoir survivre mais d'annihiler ces créatures.
— « Rafa, qu'est-ce qu'on va faire? »— « Les vamos a matar, bro. »***
— « Mon père, je suis venu pour me faire pardonner mais en réalité je n'ai plus besoin ni de votre pardon ni de celui d'un quelconque dieu. » — « Bonne chance, mon fils. » — « La chance c'est bon pour les incapables. Bonne chance à vous. »