La mort, on en fait même plus le deuil. On a pas le temps de les pleurer. On court, on court pour sauver sa peau. On court pour avancer, parce qu’on veut pas se faire bouffer. Ho Joo, c’était qu’un gosse. Qu’un pauvre gosse insouciant, quand le virus est apparu.  

Ho Joo avait 12 ans, quand il a perdu son petit frère. Quand sa mère avait suivi et que son père l’avait forcé à le suivre. Ils avaient quitté leur maison, sa chambre. Leur jardin et même leur chien. Ils avaient simplement suivi les autres survivants. Ils étaient partis en campagne, parce qu’on disait que le mieux était encore de s’éloigner de la capitale. Mais le virus les a rattrapé. D’aussi loin qu’il se souvienne, la tranquillité n’avait toujours été que de coutre durée et ils avaient appris à vivre à ce rythme, à s’adapter.

Ça ne pouvait que tourner mal. Quand on finit par se battre pour sa survie, quand on est un duo, il faut être prêt à perdre l’autre par une simple erreur d'inattention. On pouvait croire que tout irait bien, mais on contrôle rien.  Et à partir du moment où l’on prend une pelle pour enterrer son propre père, on ne peut plus être le même.

Il était plus personne après ça. Il valait pas mieux qu’un walker, à marcher sans but et il a failli crever. Après tout le chemin qu’ils avaient fait. Crever si facilement qu’on aurait pu croire qu’il la réclamait, sa mort. Et pourtant, quand il avait vu de si près, la mâchoire déchiquetée et cherchant à atteindre la moindre parcelle de sa chair, son coeur s’était accéléré et il s’était débattu. Il avait repoussé le corps puant et décomposé en vain, avant qu’il ne sente le poids s’éjecter. Il avait rampé sur le bitume, rampé aux pieds d’un homme qui venait de le sauver. Il en avait vomi ses tripes.

Il a grandi dans ce petit groupe de survivants. On l’a plus traité comme un gosse, on l’a pas protégé. On lui a clairement appris, que la prochaine fois, il y aurait peut-être personne pour le sauver. Mais qu’ils feraient tout pour être là, quand même. C’est comme ça qu’ils fonctionnaient, on laisse personne derrière, à part nos morts.  Ils ont perdu des membres, comme ils en ont gagnés. Et puis, des années après, ils ont été forcé de se séparer. Ho Joo avait repris sa route en solitaire, cherchant à recroiser la leur, en vain.

Méi, c’était qu’un corps plein de sang qu’il avait trouvé. Il avait cru qu’il était mort et il avait même tenté de lui piquer son sac. Puis il avait flippé, en entendant un gémissement. Ce mec, il avait toujours dit que c’était un putain de chanceux. Pour pas avoir été bouffé, et pour avoir perdu ses souvenirs. Ho Joo a toujours pensé que c’était mieux comme ça, que c’était mieux pour lui. Il l’avait aidé, par principe et il avait fini par le laisser le suivre. Ils ont passé deux ans ensemble. Dix-sept mois à marcher sur la même route. Il s’était longtemps dit qu’il s’attacherait plus à personne. Il se dit même que si un jour il en vient à le perdre, il continuera d’avancer, que ça l’affectera pas plus que ça. Mais en fait, il en sait rien, il y pense pas. Parce que petit à petit, quand on survit aussi bien à deux, on finit par croire que ça continuera, qu’il n’y aura jamais de fin. Méi, il le canalisait, il l’aidait à prendre les meilleures décisions. Sans avoir à s’adresser la parole, ils savaient comment fonctionner.

Peut-être que la civilisation lui manquait. Au fond, c’est peut-être lui qui avait poussé l’autre à chercher la communauté. Et puis parce que ça commençait vraiment à craindre, dehors.

+ Ho Joo, c’est un survivant. Le gosse qui renonce pas, même quand il y a plus d’espoir. On dit qu’il est taré, fêlé, cinglé. Même suicidaire. Parce qu’il veut tellement pas  démordre, que ça en devient dangereux. Ho Joo n’a pas de limite. Pourtant, on dit que c’est ça qui le maintient en vie, qui lui permet d’avancer.

+ Ho Joo, c’est un bon vivant. Il aime rire, il aime sourire et s’amuser. Parce qu’il ne veut pas se battre pour se battre. Il veut vivre, et profiter des moments qu’il a gagné. Il dit que c’est sa seule façon de rester humain.

+ Ho Joo, en fait, c’est un optimiste. Parce qu’il veut plus penser aux morts qui sont derrière lui. Parce qu’il veut plus les compter. Il préfère voir les choses bien plus positives. Malgré le chaos présent, il réussit à être heureux. Ho Joo s’est juste adapté.