Il m’agrippa les bras par derrière et me secoua comme un vulgaire cocotier tout en vociférant des mots que je n’arrivais pas à comprendre. « elle est morte, tu comprends ? il faut se barrer, maintenant ! » morte ? Je baissai les yeux devant moi, contemplant le corps inanimé de cette femme couverte de sang, des lambeaux de chair pendant sur son visage et son cou. Quel dommage, elle était si jolie et maintenant son visage était totalement défiguré, couvert d’ecchymoses et de crasse. « non. » elle n’était pas réellement morte, je le savais. Personne n’est ‘réellement mort’ depuis longtemps. Il secoua mon corps de plus en plus fort, aussi fort qu’il le pouvait, quitte à me casser une cote. Etait-ce la détermination qui lui donnait autant de force, ou bien la peur et le besoin de fuir ? Sans doute un peu des deux, mais je n’avais pas envie de fuir, mes genoux enfoncés dans la boue et le sang, j’attendais là, à côté du corps sans vie de cette femme qui gisait à mes côtés. « chae, c’est trop tard. si on reste on va y rester aussi. allez, viens. elle est morte, tu comprends ? elle est morte, c’est fini. » je secouai la tête nerveusement de droite à gauche tout en remuant le corps inerte devant moi, je me mis à crier et fondis en larmes « reviens allez, ils reviennent tous. allez dis-moi que c’est pas fini. on a survécu jusqu’ici, ça peut pas finir comme ça, pitié. » les mots sortaient de ma bouche sans que je ne les contrôle. Des mots de désespoir profond et d’angoisse, je me sentais abandonnée encore une fois. Depuis la mort de mes parents, j’ai l’impression de courir sur une plateforme ou des morceaux se détachent petit à petit jusqu’à me rattraper et me faire plonger dans un trou béant et effrayant. Une sorte de course contre la montre inévitable et sans but réel si ce n’est la survie. Mais survivre pour quoi faire ? Cette question me hante depuis des années. Encore aujourd’hui, je me surprends à penser à la mort, celle que je pourrais potentiellement m’offrir pour échapper à ce monde qui est maintenant le notre. Les larmes et les sanglots finirent par se calmer et je me penchai au dessus du visage de ma soeur avant d’y déposer mes lèvres contre sa joue et y laisser un baiser d’adieu.

« they told me not to fall in love, that shit is pointless »

 

Courir ... courir. J’ai le souffle court et le coeur qui tambourine sans relâche dans ma cage thoracique. J’ai l’impression qu’il va exploser en mille morceaux. Ou peut-être que c’est ma tête qui va exploser ? Les branches sèches et coupantes des arbres fouettent mon visage alors que je galope comme un lièvre. Je ne suis pas seule et même dans ma course je regarde autour de moi, les sens à l’affût. Ses pas sont toujours omniprésents, il est toujours vivant et lui aussi essaye d’échapper à la mort. Elle nous poursuit, partout où on est, la mort y est aussi et nous guette. Les rôdeurs sont de plus en plus nombreux et même l’hiver ne les arrête pas. Dans ma course, je fini par trébucher sur une racine d’arbre dans un cris de douleur et, dans la panique, rampai tout près d’un arbre pour me cacher dans un trou, sous la souche. Ce n’était pas la première fois que je me cachais dans ce genre d’endroit, avec le temps, on oublie d’être difficile ou soigneux. Je me fis silencieuse, retenant presque ma respiration alors que mes yeux cherchaient mon compagnon désespérément. Je sortis la tête du trou « ici, viens plus vite ! » mais il n’eut pas le temps de s’approcher qu’un rôdeur lui tomba dessus en le faisant tomber sur son flanc, sa puissante mâchoire se refermant sur son mollet. Il poussa un hurlement et j’enfouis mon visage dans mes mains, mes yeux se noyant de larmes. Je venais de perdre la dernière personne qu’il me restait au monde. En quelques années, la mort m’avait tout pris, mes parents, mes amis, ma soeur et maintenant mon petit ami. Nous avions survécu aussi longtemps pour rien. Et bien que cela remonte maintenant à des années, j’ai toujours l’impression que ça s’est passé hier. Je me revois encore assise sur le canapé du salon, regardant la télévision ou les premières images de l’épidémie nous parvenaient. Ils parlaient d’endroits lointains et j’avais l’impression que nous étions invincibles et intouchables. J’avais tort. Après cela, tout s’est déroulé très vite. L’infection se répandit à une vitesse folle et en deux temps trois mouvement elle était à la porte de ma maison. Depuis, nous sommes des fuyards, nous vivons ici et là, passant la plupart du temps à se cacher dans de vieilles maisons ou dans les bois. Avec le temps nous avons rencontré d’autres groupes pour en former de nouveaux, c’est d’ailleurs comme ça que j’ai rencontré mon petit ami.

 ... « mon petit ami ». Il venait d’arrêter de crier, était-il déjà mort ou bien souffrait-il en silence ? J’avais envie de sortir, de repousser tous ces cadavres ambulants, de le protéger, mais je n’en étais pas capable, la peur me tétanisant ; je me sentais terriblement coupable. Je finis par reculer au fond du trou pour me cacher totalement dans le noir et me recroqueviller. Ce que j’avais toujours redouté venait de se produire ; j’étais seule.

(nb je ne désire pas expliquer comment je me suis retrouvée dans le camps pour la simple et bonne raison que je désire le rp ^-^, donc c’est tout à fait volontaire ! )