J'ai toujours eu un rapport unique, privilégié avec la mort. Une fascination sans borne, une confiance aveugle en ce qu'elle est capable de créer. Enfant déjà, je me suis intéressé à cette lutte désespérée menée par les êtres vivants, contre ce désordrequi, à chaque instant menace des les emporter. Préserver cet ordre contre nature qui les maintient en vie, par des sacrifices imbéciles et vains, puisque immanquablement à l'issue, c'est toujours la mort qui gagne. Alors que je n'ai que huit ans, ma grand-mère s'éteint finalement sous mes yeux, terrassée après des mois de combat, seule dans la chambre à l'atmosphère chargée par la maladie. J'observe alors la mort pour la première fois. J'ai trouvé alors quelque chose de captivant à cette rigidité nouvelle, la froideur de ces épidermes qui avaient alors cessé de palpiter sous mes doigts. Je me suis soudain demandé, contemplant le visage plus paisible de la défunte, l'intérêt qu'elle avait pu avoir à s'épuiser dans une joute inutile. Dans mon esprit pragmatique et juvénile, la souffrance endurée des jours durant n'avait mené qu'à l'obtention d'un cadavre émacié, perdu aux confins de draps nauséabonds.
Je suis né et j'ai grandi en Corée du Sud, voguant de villes en villes jusqu'à l'adolescence. Mon père était un petit cadre sans envergure, s'épuisant à travailler sans jamais se plaindre, persuadé que son heure viendrait et qu'il n'avait qu'à attendre, guettant l'hypothétique promotion. Ma mère était une femme au foyer, une petite bonne femme au caractère bouillant, frustrée par son statut marital et professionnel mais n'ayant pas le diplôme nécessaire a contrecarré ce destin. De cette unionconflictuelle sont nés deux enfants, deux garçons dont je suis l'ainé. On me considère comme un enfant brillant, peut-être un peu trop, mais désabusé par l'école relativement rapidement. Je m'ennuie, lis beaucoup,me cultive par moi-même, agacé par la médiocrité. Je n'ai jamais eu de projet, je veux juste qu'on me laisse tranquille, faire ce que j'entends. Je ne suis pas rebelle, mais je me considère à part, différent de ces gens acharnés à respirer, travailler, sans but, qui croient jusqu'au bout qu'ils contrôlent leurs sorts.J'aime la poésie, la littérature, écume les bibliothèques. Je me passionne aussi pour Baudelaire qui dresse un si beau portrait de la mort, cette mort insaisissable qui m'attire depuis si longtemps déjà. J'ai bien sûr vite conscience des regards qu'on pose sur moi, des remarques chuchotées, des questions maquillées à mes parents. On se demande ce qu'il ne va pas avec moi, qu'elle est le problème avec ce gosse. Il n'a pas l'air bien, avec ses yeux tout gris perdus derrières les verres de ses lunettes. Il ne parle jamais, ou presque, se contente de ses livres. Ma mère se contente de hausser les épaules, il n'y a pas de problème avec son fils, il a simplement son caractère. Elle dit que c'est la faute des autres enfants, qu'on se moque trop de moi à l'école, avec mes oreilles trop décollées et mes attraits étranges. Je ne vais pas la démentir, mais les moqueries ne m'atteignent pas tellement. Pas consciemment du moins. Je rejette volontairement l'amitié des autres, car je les trouve idiots. Parmi ces idiots, il y en a un particulier, un gamin du même âge, un morveux que j'ai rencontré au secondaire, alors que nous venions d'emménager dans une nouvelle ville – la dernière que j'habiterais avec ma famille. Il est bruyant, il parle beaucoup. Je le déteste, il est beaucoup trop empressé de vivre et de toute façon, il ne m'aime pas non plus.
Je suis devenu adolescent et mon plus beau projet, c'est de mourir. Je ne sais pas quand, ni comment, mais je veux connaître cette asphyxie, cette brûlure terrible dans les veines. Ces paradis inconnus et invisibles, inaccessible à quiconque lutte encore. C'est sûrement beau, immense, terrifiant. Merveilleusement terrifiant. Je dois goûter à cet élixir empoisonné, aller à la rencontre de ce sommeil létal si désiré. A 17 ans, je suis un jeune homme suicidaire. J'ai appris à faire les nœuds mieux que personne, connais les veines à trancher pour mourir certainement. Je sais à quelle hauteur je peux sauter pour me briser les os. Mais j'attends. Les gens ne comprendront sans doute jamais ma lubie macabre, et ce sont par-dessus tous les yeux noirs de sa mère qui me retiennent. Comment lui expliquer que je me vois mieux six pieds sous terre ? Comment assumer cette horreur que je lis dans ses yeux, les coups qu'elle martèle sur la porte quand je m'enferme parfois des heures dans la salle de bain. Quand l'eau du bain est teintée de rouge. Quand mes poignets sont zébrés de petites coupures nettes. Cette mère qui m'a donné si naïvement cette vie. Je me refuse à détruire ses espoirs, pas tant que je supporte mon existence. Je ne souffre pas de vivre, je suis aimé, je ne souffre pas, je suis juste désintéressé, paresseux d'exister. Ma curiosité peut attendre. C'est égoïste de mourir et de laisser seule ma famille, c'est égoïste de réduire à néant ce que mes parents ont voulu bâtir pour moi. C'est égoïste de rejeter la vie que certain n'ont pas eu la chance de mener. Pour toutes ces raisons, je ne peux m'y résoudre. Pas encore.
Cependant, le monde est en train de basculer et peu à peu le désordre reprend ses droits. Alors que la pandémie s'est étalée sur le monde comme l'eau qui s'engouffre dans chaque pore, je vois mes idéaux s'effriter, se briser. Depuis que les morts se réveillent, j'ai peur, je suis terrifié. Terrifié que ce virus m'ôte toute possibilité de retraite, que même la mort ne m'apporte plus ce graal que je convoite tant. Pire encore, elle finit par nous attraper, saisir ma famille en son cœur, voler ma mère, puis mon père. Je fuis cette mort falsifiée, abandonnant là mon frère. Je ne peux renoncer à cette fin que j'ai planifiée si souvent, et ma mère n'est plus là. Rien ne m'empêche alors de quitter ce monde comme je l'entends. Mais l'idiot réapparait, avec sa mère, et pétris de leurs morales répugnante, ils m'emportent avec eux. Ils m'entraînent dans leur fuite de ce monde altéré, horrifiant. Je ne dirais pas que je n'avais pas peur, j'étais horrifié. Pour la première fois j'ai eu peur de mourir. De la manière dont je pouvais mourir. Infecté par ce virus, et finalement ne pas vraiment quitter ce monde. Cette terreur là m'a donné l'envie de suivre ces gens, et me réfugier avec eux. Je devais conserver ma liberté de choisir ma fin.
C'est ainsi que nous avons rejoint le camp. Chaelin, l'idiot, et moi, avons intégrés les Strongs. Son caractère enflammé et stupide le pousse à prendre tous les risques. Quant à moi, dans ce monde devenu beaucoup trop pourri pour que je fasse l'effort d'y vivre, je cherche encore un moyen d'en finir, et pourtant, j'en suis incapable. Même en ayant choisi un poste de combat dangereux, je suis incapable de me détacher de ma vie. Je mets mon indifférence de la mort au service des survivants, et je me rabats sur la protection de Chaelin. Entre nous dans s'est installé par force de nécessités un marché tacite, une sorte de jeu. Je contiens ses humeurs et en échange, il s'amuse avec moi. Lorsque la lassitude l'emporte, et qu'une idée morbide nait en moi, c'est lui que j'avertis par des indices farfelus, et s'engage une partie de cache-cache macabre, au cours de laquelle, s'il ne se dépêche pas suffisamment, il aboutira à découvrir mon cadavre refroidissant lentement. J'attends, qu'il vienne me sauver.
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Je suis calme, je suis silencieux. Je suis indécis et déterminé. J'aime la vie et pourtant je veux mourir. J'aime jouer mais je ne suis plus un enfant. J'ai besoin d'être sauvé et je hurle pour qu'on me laisse en paix. J'ai besoin d'être important mais je m'isole. J'aime être seul mais la solitude m'effraie. Je veux contrôler ma vie mais la fatalité me guète. Je veux en finir mais je me bat quand même. J'aime lire mais je n'ai plus qu'un livre. Je veux aimer mais je suis seul au monde. Je suis paresseux de vivre mais je ne veux pas ne rien faire. J'aime le beau mais le monde est à chier. J'ai appris à me battre pour dissimuler ma lâcheté. Je ne veux pas être égoïste. Je vis d'avantage pour les autres que pour moi. J'aime sourire pour ne pas m'ennuyer. Je suis suicidaire mais pas déprimé. Je veux mourir. Je veux guérir. Je veux savoir, je veux oublier.
EN CE QUI CONCERNE LES HASHTAGS#GROUPE concerne le groupe que tu souhaites rejoindre.
#ARME est l'arme de ton personnage à son arrivée.
#ADJECTIF est le trait dominant de ton personnage.