Cela fait maintenant sept ans que tu as mis les pieds sur la péninsule Coréenne. Rien ne l'avait prédit, car ton objectif de départ se résumait à fuir l'atmosphère étouffante de ton domicile familial. Tu t'étais enrôlée dans l'armée américaine le jour même de tes dix huit ans, persuadée que tu n'avais plus rien à perdre. Tu regrettais peut-être d'avoir laissé ton jeune frère derrière toi, mais vivre au coté de ton père ne t'avait apporté que souffrance et misère. Tu les quittais pour un monde meilleur, car tout semblait mieux que ce trou à rat qui t'avait servi de maison depuis ta naissance. Tu n'avais pas regardé en arrière, tu avais sauté sur l'occasion comme une lionne sur sa proie. Rien n'avait le pouvoir de te retenir. Si bien qu'un an après ton entrée dans l'armée, une proposition alléchante s'était présentée à toi : si tu le désirais une place t'attendait en Corée du Sud. Cela faisait un an que tu cravachais dur, que tu dépassais les limites de ton corps, que tu ne lâchais rien et tu voyais cette opportunité comme un levier dans cette nouvelle vie que tu te construisais. Au milieu de tout cela, la rumeur enflait sur un sordide virus au sein des rangs militaire. Tu avais entendu de terribles histoires, étaient envoyés au quatre coins du pays afin de contrôler l'épidémie ou pire, t'étais rendue compte que certains nombres d'hommes ne revenaient pas de leur permission. De quoi te faire sauter sur l'occasion pour fuir cette terre malade.

Tu refusais de croire en l'horreur abstraite que t'avais décrite certains de tes camarades et pourtant, au bout de quelques jours en Corée, un cas se déclara au cœur même de la base. Tu avais fait parti des témoins, et la réalité écrasante s'imposa à toi : peu importe où tu mettrais les pieds, le même spectacle se jouerait sous tes yeux effarés. Il fallait vaincre la peur grandissante qui imprégnait toutes les âmes du camp, toutes suspicieuses du moindre spasme anormal. Toi-même tu te battais difficilement avec tes angoisses, de plus en plus consciente de l'ampleur du phénomène. Les faits étaient là : personne n'était épargné, de près ou de loin, chacun subissait des pertes et le nombre de victimes ne faisaient que s'alourdir de jour en jour. Tu avais appris la mort de ton frère et ton père par courrier, avant que les communications entre la base et les États-Unis ne soient coupées. C'était un coup dur, mais il fallait continuer de vivre malgré tout, avec les moyens du bord. Puis ce que tu redoutais arriva : quitter la base devenait impératif alors que le virus s'emparait inévitablement des alentour, et que de plus en plus de soldats succombaient. On avait amassé suffisamment de réserves, armes et vivre, pour la totalité des survivants tandis que les fourgons prenaient la route vers le Nord, là où la situation était encore inconnue mais, au vu des nouvelles, meilleure.

Le paysage qui s'offrait à vous était désolant. Nombre de fois les véhicules avaient eu l'obligation de se stopper et faire front face à l'attaque de nombreuses hordes de zombies. C'était terrifiant, tu n'en dormais plus la nuit, néanmoins tu avais appris à appuyer sur la gâchette peu importe tes états d'âmes. Car les pertes se comptaient par dizaine chaque jour, des camions renversés par la force des amas de chaires décomposées. Alors oui, la peur t'avait permis de t'endurcir, t'obligeant à mettre fin à la souffrance de plusieurs de tes frères d'armes infectés. Tu pouvais voir l'horreur dans leurs yeux, te suppliant de leur donner une chance, qu'ils allaient s'en sortir. Tu avais tiré à chaque fois. Tu n'étais pas un monstre, mais à quoi bon les abandonner à leurs sorts ? Au bout de quelques jours, ce fût au tour de votre véhicule d'être retourné. Comment avais-tu survécu ? Tu ne sais plus, car tu étais complètement submergée par l'attaque. La surprise fût de taille lorsque tu t'aperçut que le reste du convoi avait disparu, abandonnant toi et ton camarade seuls à votre sort sur les plaines nord coréenne. Vous armant du mieux possible, vous n'aviez pas le choix d'avancer à pieds au travers du territoire sauvage. Le même jour, vous rencontriez Sybil, une jeune femme perdue. Tous trois vous mirent à la recherche d'un camp, ou d'un abri pour vos têtes. Chaque jour se ressemblait, jusqu'à que vous fassiez assaillir par un troupeau de zombies particulièrement coriaces. D'une manière ou d'une autre, ils eurent raison de ton coéquipier. Tu avais dû lui décocher une balle dans le crâne, à lui qui pleurait pour que tu abrèges ses souffrances. Ton cœur se durcissait de plus en plus, et tes yeux laissés entrevoir une lueur glaciale. Sybil hérita de l'arme du défunt et ensemble, vous parcoururent les derniers kilomètres vous séparant du camp de survivants.

Les regards de ceux dont tu as ôté la vie te hante encore, même si tu n'oses pas l'avouer. Tu as tendance à appuyer trop vite sur la gâchette, ne laissant aucune chance à tes adversaires de pouvoir t'atteindre. Tu fais tout pour être invulnérable, toujours vêtue de ton uniforme renforcé et d'un couteau pour les attaques au corps à corps. Tu sais que la peur parle à ta place dans ses moments là, l'insurmontable effroi de faire face à ta propre mort si tu devais être contaminée. Il ne faut surtout pas que les autres découvrent cette facette de ta personnalité, tu as tendance à te montrer dure envers les autres. Pas question pour toi que les autres dérogent aux règles du camp, et si un idiot venait à foncer tête baissé sur des zombies, tu ne lui viendrais en aucun cas à l'aide : son choix, sa responsabilité. Tu ne mettras pas en péril ta vie et celle des autres pour un débile.