Tu regardes autour de toi, et tout ce qui te reviens sont des visages endurcit par la perte, la mort, et plusieurs autres horreurs que tu ne peux même pas imaginer. Et pourtant, tu ne te sens pas particulière affectée. Ces visages hagards ne t’inspirent rien, même pas de la pitié. Tout ce que tu vois, c’est un groupe de jeunes perdus qui veulent s’accrocher au moindre espoir pour éviter de sombrer. Et toi, tu te trouves au centre de ce cercle, les jambes croisées, accotées contre le dossier de ta chaise. Ton fidèle SR-25 est posé sur tes cuisses et tu le maintiens en place avec une main qui le flatte comme s’il s’agissait d’un animal domestique. C’est ton fidèle ami, le seul qui ne te laissera jamais tomber et que tu n’abandonneras pas. Les autres ne sont que des pions temporaires, il est impossible de leur faire entièrement confiance. Dans les temps de crises, les êtres humains ont tendances à paniquer et à perdre tous leurs moyens. Comment pourrais-tu faire confiance à une personne instable qui pourrait prendre ses jambes à son cou plutôt que de rester pour assurer tes arrières. Tu préfères travailler seule, et pourtant tu sais que tu ne peux pas tout faire toute seule. Ça te purge de devoir te tourner vers d’autres gens, mais ce n’est pas comme si tu étais une superhéroïne. Peu importe à quel point tu planifies et met au point des stratégies, il y aura toujours des imprévus qui te sauteront au visage. C’est pour ça que tu t’entoures de gens, certains que tu arrives à apprécier pour leur travail méticuleux et leur silence, et d’autres qui te sortent les yeux de la tête. L’important pour toi ce n’est pas de t’entourer de gens que tu aimes et apprécies, mais de pions qui te serviront dans les situations le demandant. Ce que tu cherches, ce sont des combattants avec une grande variété de compétences. Alors que tu les regardes, tu juges rapidement leur condition physique, ceux qui pourront t’être utiles et ceux qui ont du potentiel malgré une apparence trompeuse. Tu les écoutes raconter leur histoire, comme si en parler allait les soulager de la tristesse, de la douleur et de la culpabilité. Et c’est finalement à ton tour. Tu savais que ça allait venir. Et pourtant, tu ne sais pas comment commencer. Tu ne vois pas l’intérêt de parler de ton passé puisque la seule chose qui importe, c’est le futur. Pourtant, tu sais que tu dois raconter si tu veux faire partie du groupe, si tu veux trouver tes pions. Alors tu entrouvres les lèvres pour commencer ton récit, l’histoire de ta vie.

« Bonjour à tous. Je m'appele Moon Arwen, et j'ai vingt ans. Je suis originaire de Séoul, j'y ai habité toute ma vie... enfin jusqu'à ce que la ville devienne ingérable.  » Tu t’arrêtes un moment pour faire un point. Et si ça peut t’attirer un peu de leur sympathie, c’est encore mieux. Tu sais qu’il faut que tu aies l’air approchable, vulnérable même. Il y a toujours de ces garçons qui veulent jouer au prince charmant, au chevalier en armure. Tu secoues la tête, comme si tu voulais chasser ses images des zombies de tes pensées. Tu te souviens de leur tête, de leur chaire en décomposition… de l’odeur qu’ils dégagent, et au final, ce n’est pas difficile de feigner le dégoût. « Je ne veux pas trop aller dans les détails, je crois qu’on a déjà tous vu assez d’atrocités. Ma mère m’a envoyé étudier dans un pensionnat depuis que je suis toute petite, donc j’ai manqué l’arrivée des Zombies chez moi. Mes cousins habitaient avec ma mère et je ne sais pas ce qui leur est arrivé. J’espère qu’ils vont bien parce que je crois bien que c’est la seule famille qu’il me reste. » Tu ne sais pas si ce que tu dis est vrai ou pas. Cela fait tellement longtemps que tu ne t'es pas attaché à quelqu'un. Tu te rappelles vaguement les étés passés ensemblent, les fêtes de Noël, et toutes ses autres occasions où vous avez partager la même maison. Et pourtant, tu n'est pas certaine que ça te dérangerait plus que ça s'ils étaient morts. Si tu devais choisir entre vivants et morts, tu choisirais bien sur la vie... mais s'ils n'avaient pas survécus, ça ne laisserait pas de trou béant dans ta vie. La vérité, c’est que tu n’as pas toujours été comme ça. Tu n’as pas toujours été aussi indifférente à … tout. Il y a très longtemps, tu étais une fille beaucoup plus facile d’approche. Au contraire, dans ta jeunesse, tu étais la pire tomboy existante dans ton quartier. Tu trainais avec les garçons, jouais dans la boue, etc. Étrangement, les barbies ne t’avaient jamais intéressé, les poupées et tous ces autres jouets pour fille te passaient six pieds par-dessus la tête. Tu préférais de loin jouer à la guerre, ou faire de la lutte avec les jeunes. Et tes goûts ne changèrent pas avec le temps. À ta demande, ta mère t’envoie dans une académie militaire. C’était stricte et incroyablement demandant, mais ce sont aussi les meilleures années de ta vie. Tu t’es épanouie dans cette expérience. Rapidement, tu es devenue l’une des plus populaires de l’école parce que tu alliais beauté, intelligence et force. C’est sans doute ce changement du regard des garçons avec qui tu trainais tout le temps qui te fit changer ta façon d’être. Les choses étaient tellement plus faciles quand tu avais le monde à tes pieds. Si tu ne semblas pas trop changer, le changement fut surtout psychologique. Ta façon de penser avait complètement changé. Tu étais devenue plus indifférente aux gens, à leurs sentiments et à ce que tu pouvais leur faire. Lentement, ta vue sur les gens changea aussi. Peu à peu tu cesses de voir les gens comme des êtres humains, mais plutôt comme des pions, des marionnettes que tu t’amuses à bouger selon ton humeur.

Tu étais à l’académie militaire quand l’apocalypse s’est déclenchée. C’était à la tombée de la nuit et tu pratiquais avec une réplique de ton fidèle SR-25. C’est un son guttural qui t’as mis la puce à l’oreille. D’abord tu as cru que tu avais mal entendu, que ce n’était qu’un bruit étrange sorti tout droit de ton esprit. Sauf que le bruit se rapprochait, et il était joint par d’autres. À un tel point qu’il était devenu impossible de ne pas savoir qu’il y avait quelque chose qui clochait. En te retournant, tu vois d’abord des formes floues qui avancent avec difficulté. Des visages dégoutants, des bruits horribles et surtout une odeur à en faire vomir le plus résistant des soldats. Tu sais que tu ne pourras pas te défendre avec la réplique d’arme que tu as, alors tu l’abandonnes sur place avant de prendre tes jambes à ton cou. En chemin, tu mets en garde tes coéquipiers. Tu t’inquiètes un peu pour eux, mais les quelques-uns qui te rient au nez, tu les abandonnes sans la moindre culpabilité. Qu’ils se débrouillent tout seuls s’ils ne te croient pas, tu as fait ta part, qu’ils fassent la sienne ou qu’ils meurent en proies aux zombies. Tu entres dans l’armoirie, et prends immédiatement la version réelle de ton arme favorite : le SR-25. Tu prends aussi quelques couteaux que tu glisses dans tes bottes et un peu partout sur toi. Tu ramasses tout ce que tu peux en fait. Un sac à dos avec des victuailles pour la survie, des bottes d’armée qui ne te laisseront pas tomber. Tu sors par la porte de derrière parce que tu sais que c’est plus rapide, que tu pourras t’enfuir plus rapidement. Tu n’as pas le temps de retourner à ta chambre, ça tu le sais. Si tu oses simplement rentrer dans le pensionnat, tu sais que tu te retrouveras coincée et qu’en peu de temps, tu seras morte.

Dans les jours qui suivent, tu t’éloignes de cet endroit où tu sais que les zombies ont triomphés. Tu ne vois pas l’intérêt de rentrer à la maison, le temps que cela te prendrait pour rentrer n’en valait pas la peine. Ça te faisait mal de croire que ta mère pouvait avoir succombé, mais ta survie passait avant la sienne. Tu n’avais pas le temps ou l’énergie pour essayer de sauver quelqu’un d’autres que toi. En chemin, tu rencontres des petits groupes de zombies et avec l’aide de ta fidèle arme, tu les abats avant qu’ils ne puissent s’approcher trop près. C’est ainsi que tu t’es fait un chemin jusqu’au camp. Tu t’es fait des connaissances en chemin, rencontrant parfois d’autres survivants comme toi. Tu ne leur as jamais vraiment fait confiance et c’est sans problème que tu les as utilisés et jetés ensuite. Qu’ils te servent de barrière, qu’ils servent à les ralentir pendant que tu t’éloignes un peu. Parfois tu te demandes pourquoi tu fais tout ça. À quoi bon essayer de survivre une journée de plus si à la fin, c’est la zombification qui t’attends. Rien ne te dit qu’il y a une solution à toutes cette affaire… et pourtant tu t’accroches, tu essaies de survivre ne serait-ce qu’une seconde de plus.