« Eh eh, Minjae, regarde-moi. Regarde-moi ! Non non, regarde-moi, pas là-bas ! Tu m’entends, hein ? Tu te rappelles quand on était petit ? On va faire pareil, on va partir en mission. Red et Blue, tu te rappelles de noms de superhéros ? Alors, Blue, on va réussir à dépasser tout ça, tu m’entends ? Tout va bien se passer. »

Quelque chose s’était cassé. Il y avait du rouge partout. Sur lui, sur les murs, sur sa sœur. C’était elle qui avait fait ça. C’était trop tard pour leur mère, c’était ce qu’elle avait dit. Mais comme elle n’avait pas eu assez de force pour le faire en un coup, elle a dû s’acharner, peignant tout d’un rouge sombre et malsain. Il s’était déconnecté de la réalité. C’était plus simple de faire comme ça. Moins douloureux. Il était alors dans un monde où tout était simple. Un monde où il pouvait rire facilement. Il commença à rire… Sa sœur le dévisagea, choquée. Dégoûtée. Elle le gifla. Il fallait qu’il reprenne ses esprits mais il ne fit que rire plus fort. Il riait tellement que cela faisait mal. Il n’arrivait pas à s’arrêter. Réflexe nerveux a une réalité trop horrible. Sa mère était morte et il riait à en pleurer. Mécanisme de défense… ou défense maniaque, quoi que ce soit son nom. De toute façon, ce ne serait pas facile de trouver un psy dans de telles circonstances. Depuis quelques temps, les mots n’avaient plus le même poids, ils étaient devenus risibles face à cette réalité morbide. Pas assez forts, pas assez précis. Il n’y avait pas de mots pour décrire cette déchirure en lui. Il ne serait plus jamais le même.

Ils étaient en mission. Ils n’étaient plus Min Hwa et Min Jae, ils étaient Red et Blue. Il survivait… et Red était persuadé que Blue guérirait. Il allait se calmer… forcément… Sauf qu’il ne guérit pas. Dès qu’il est sous pression ou terrifiait, il se mettait à rire. Toujours plus fort. Elle le supportait de moins en moins. Chaque fois c’était la même chose. Un coup de peur et il riait. Comme un cinglé. Elle l’enguelait. Elle lui disait d’arrêter. Mais il n’arrivait pas. Ils avaient trouvé des armes… et ils ont vite compris que Blue avait de bons yeux. Etonnement, Red, elle, avait la force pour elle.

Après plusieurs années à aller ici et là, rejoindre des camps avant que ceux-ci se démantèlent par des accidents tragiques… ils atterrirent dans Le Camp. Celui dont on entendait parler loin à la ronde. Ils avaient croisé des Hunters qui leur disaient d’y aller, que c’était le paradis. Alors ils y sont allés. Mais contrairement à ce qu’espérait sa sœur, Blue n’allait pas mieux. Il continuait de rire dans les mauvaises situations. Il continuait de faire des blagues dès qu’un danger s’approchait… Elle n’en pouvait plus. Blue, lui, était heureux. Il était content qu’ils aient trouvé un endroit où la vie pouvait reprendre son cours.

Cela faisait une semaine qu’ils étaient là. Blue avait dix-neuf ans et se sentait prêt à postuler pour devenir soldat pour le camp. Certains trouvaient effrayant sa manière de rire… ils ne comprenaient pas que cela n’était qu’un réflexe maniaque. Les gens l’évitent mais il essaie de faire comme si de rien n’était, de donner le meilleur de lui-même et rester positif. Peut-être que c’était cela qu’ils les étonnaient le plus… qu’il continue à sourire et à profiter des petits bonheurs tout simples à côté de cette horreur et de ses réactions étranges. Mais ce matin-là, il s’était levé comme d’habitude. Laver le visage rapidement ainsi que le corps en faisant attention d’utiliser le minimum d’eau. Red avait déjà quittée la chambre. C’était normale, elle faisait toujours une promenade aux fraîcheurs du matin. Alors il l’attendit. Les heures passèrent et elle ne revint pas. Et il continuait d’attendre, toujours avec le sourire, sans comprendre. Le soir, après avoir demandé à tout le monde et fouillé le camp… il retourna à sa chambre et trouva une lettre qui était probablement là depuis le matin.


Elle était partie. Elle l’avait abandonnée… elle ne supportait plus le fait qu’il n’était plus le même petit frère qu’elle aimait. Elle avait peur de ce qu’il était devenu. Elle ne comprenait pas… et cela la rendait folle à son tour. Lui rejetait la vérité. Elle allait revenir. Elle ne pouvait pas l’abandonner… Sauf que les jours passèrent sans qu’elle ne revienne au Camp. Il continuait à y croire. Il se disait que si… s’il guérissait, alors elle reviendrait. Il essaie… il essaie vraiment d’aller mieux. Il veut qu’elle revienne.